Saint Thomas d'Aquin: la charité siège-t-elle dans la volonté?

Après avoir publié l'article de la Somme demandant si la charité est une amitié il nous parait intéressant de publier cet article pour bien montrer que la véritable amitié n'est pas dans la sensibilité mais bien dans la volonté. D'où la nécessité de choisir ses amis... aimer n'est pas une question de ressenti mais bien de volonté.

Somme théologique IIa IIae : QUESTION 24: LE SIÈGE DE LA CHARITÉ

ARTICLE 1: La charité siège-t-elle dans la volonté?

Objections:

1. Non, semble-t-il, car la charité est un certain amour, mais pour Aristote l'amour siège dans le concupiscible, non dans la volonté.

2. La charité est la plus fondamentale des vertus, nous l'avons dit précédemment. Mais le siège de la vertu est la raison. Il semble donc que la charité siège dans la raison, non dans la volonté.

3. La charité s'étend à toutes les actions humaines, selon l'Apôtre (1 Co 16, 14): " Que toutes vos oeuvres soient faites dans la charité. " Or le principe des actes humains est le libre arbitre. Il paraît donc que la charité siège surtout dans le libre arbitre, non dans la volonté.

Cependant, l'objet de la charité est le bien, qui est aussi l'objet de la volonté. Donc la charité siège dans la volonté.

Conclusion:

Nous avons vu dans la première Partie qu'il y a deux appétits: l'appétit sensible, et l'appétit intellectuel nommé volonté; l'un et l'autre ont pour objet le bien, mais de façon différente. Car l'objet de l'appétit sensible est le bien appréhendé par les sens, tandis que l'objet de l'appétit intellectuel ou volonté est le bien sous la raison commune de bien, tel que l'intellect peut le saisir. Or la charité n'a pas pour objet un bien sensible, mais le bien divin, que seule l'intelligence peut connaître. Et c'est pourquoi le siège de la charité n'est pas l'appétit sensible, mais l'appétit intellectuel, c'est-à-dire la volonté.

Solutions:

Le concupiscible fait partie de l'appétit sensible et non de l'appétit intellectuel, comme nous l'avons montré dans la première Partie . Aussi l'amour qui est dans le concupiscible est-il l'amour d'un bien sensible. Mais le concupiscible ne peut s'étendre au bien divin, qui est d'ordre intelligible; seule la volonté le peut, C'est pourquoi le concupiscible ne peut être le siège de la charité.

2. Avec Aristote, on peut dire que la volonté est, elle aussi, dans la raison. Et c'est pourquoi la charité, puisqu'elle est dans la volonté, n'est pas étrangère à la raison. Toutefois, la raison n'est pas la règle de la charité comme elle l'est des vertus humaines; elle est réglée par la sagesse de Dieu, et elle dépasse la norme de la raison humaine, selon la parole de S. Paul (Ep 3, 19): " Vous connaîtrez la charité du Christ, qui surpasse toute science. " Ainsi la charité n'est pas dans la raison celle-ci n'est pas son siège comme elle l'est de la prudence, ni son principe régulateur comme elle l'est pour la justice et le tempérance; on note seulement une certaine affinité de la volonté avec la raison.

3. Le libre arbitre n'est pas une puissance distincte de la volonté, nous l'avons dit dans la première Partie. Et cependant la charité n'est pas dans la volonté, en tant que faculté du libre arbitre, dont l'acte propre consiste à choisir. En effet, selon Aristote " le choix concerne les moyens, tandis que la volonté comme telle porte sur la fin ". C'est pourquoi l'on doit dire que la charité, qui a pour objet la fin ultime, est dans la volonté plutôt que dans le libre arbitre.

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