Les vices ou péchés capitaux : Etonnement d'un solitaire

HISTOIRES pour l'Explication du Catéchisme à l'usage des Diocèses de France

DEUXIÈME PARTIE

QUARANTE-QUATRIÈME LEÇON

Le péché.

QUARANTE-CINQUIEME LEÇON

Les vices ou péchés capitaux.

Etonnement d'un solitaire

Dans les déserts de la Thébaïde, qui entourent Héraclée, il y eut beaucoup de solitaires. Le dernier d'entre eux fut saint Paphnuce, dont l'histoire est fort étrange.
Paphnuce avait mené dans les déserts la vie étonnante des solitaires, une vie qui ne ressemblait ni à la vie des hommes, ni même à celle des saints modernes, une vie dont l'austérité surpasse l'imagination. Un jour, il se dit à lui-même : « Quel est le degré de sainteté que j'ai atteint ? »
La question devint une prière :
— Seigneur, disait-il, parmi vos saints, quel est celui auquel je suis pareil?
— Paphnuce, Paphnuce, lui dit la Voix qui lui parlait — car il était souvent conduit par une Voix — toi Paphnuce, tu es le pareil d'un musicien qui chante dans un village, à quelque distance d'Héraclée.
Paphnuce fut plus surpris qu'il ne l'avait encore été depuis le jour de sa naissance. Un musicien qui chantait dans un village ne lui paraissait pas répondre l'idéal et au degré d'une sainteté semblable à la sienne.
Il se rend au village et demande le musicien.
— Il est là, lui répondent les gens du pays; il est dans ce cabaret; il chante pour amuser des gens qui boivent.
Paphnuce marchait de stupéfactions en stupéfactions. Il aborde le musicien, sollicite de lui un entretien particulier et, l'ayant obtenu, lui demande par quelles voies il s'est élevé si haut en sainteté devant Dieu et devant les anges.
— Brave homme, répondit le musicien, je pense que vous plaisantez?
— Voilà donc, pensait Paphnuce, le saint au niveau duquel je suis parvenu!
Le musicien reprit :
— Je suis le dernier des misérables. Avant de jouer dans les cabarets, j'étais voleur de profession. Je faisais partie d'une bande de brigands. Ma vie est un tissu d'abominations, et je me fais horreur à moi-même.
Paphnuce devenait pensif. ,
— Cherchez bien, dit-il, vous trouverez quelque bonne action.
— Je ne vois pas, dit le voleur.
Cherchez bien, dit Paphnuce.
— Je me souviens, répondit l'autre, qu'un jour nous avons saisi, mes brigands et moi, une vierge consacrée à Dieu : je la leur arrachai. Je la conduisis dans un village où elle passa la nuit, et le lendemain je la reconduisis au monastère, telle qu'elle en était sortie.
Ensuite? dit Paphnuce.
— Un jour, reprit le voleur, je rencontrai une très belle femme, errante et seule, dans un désert.
— Comment, lui dis-je, êtes-vous ici?
— Ne vous informez pas de mon nom, répondit-elle Mais si vous avez pitié de moi, prenez-moi pour esclave et conduisez-moi où vous voudrez. Ma situation est horrible. Mon mari s'est trouvé redevable des deniers publics. Après lui avoir fait souffrir les plus horribles traitements, on l'a enfermé dans une affreuse prison, d'où il ne sort de temps en temps que pour subir de nouvelles tortures.
Nous avons trois fils qui ont été arrêtés pour la même dette. On me poursuit à mon tour. Je me cache dans ce désert; et il y a deux jours que je n'ai pas mangé.
Touché de compassion, j'emmenai cette femme, je la conduisis, je la soutins, je la restaurai. Quant elle eut mangé et qu'elle fut revenue de la faiblesse où je l'avais trouvée, je lui dis : « Que vous faut-il? »
— Avec cinq cents pièces d'argent, dit-elle, nous serions sauvés, mon mari, mes fils et moi!
Voici cinq cents pièces d'argent, lui dis-je. Maintenant soyez heureuse. » Elle emporta les cinq cents pièces, et la famille fut sauvée.
En découvrant que ce pauvre musicien du cabaret était aussi saint que lui-même, qui avait à son actif toute une vie de prières et d'austérités, l'humble Paphnuce éprouva une joie qui alla jusqu'à l'allégresse.

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