3 Janvier 2012
HISTOIRES pour l'Explication du Catéchisme à l'usage des Diocèses de France
HUITIÈME LEÇON : Les anges et les hommes
Mémoires d'un ange gardien.
Dieu avait, dès le commencement, distribué leurs rôles aux purs esprits : aux uns de procurer le bien général des hommes; aux autres, de veiller chacun sur une âme. J'étais de ces derniers.
Mon tour arriva. Un nouvel enfant venait de naître. Le Très-Haut fit un signe... j'étais le bienheureux élu.
Sans retard, je volai vers mon pupille. L'ange de sa mère l'avait jusque-là protégé : gardien de l'arbre, il veillait sur le fruit pendant au rameau. Mais en ouvrant les yeux à la lumière,
l'enfant devait m'être remis.
Après l'avoir si longtemps attendu, je le trouvais enfin, je lui tendais les bras, j'allais le presser sur mon cœur...
Amère déception! Sa vue arrêta mon essor : les traits divins brillaient à peine en cette âme, une lèpre hideuse la défigurait, elle avait la tache originelle.
En moi deux sentiments se combattaient : une profonde commisération pour une âme si chère, une invincible horreur de ses souillures...
Tandis que Satan suggérait aux parents mille prétextes de différer le baptême ou qu'il cherchait à tromper leur vigilance, je tenais en éveil leur sollicitude et leur communiquait les ardeurs de
mon zèle.
L'enfant fut présenté aux fonts sacrés. J'étais plein de joie. Il me semblait que moi-même j'allais recevoir quelque grande faveur.
« Coule, onde régénératrice : épands-toi sur son front et qu'aussitôt je voie son âme telle que la désire mon amour ! »
Mais non... Debout en face de Satan, le ministre de Jésus-Christ ne renverra pas l'usurpateur sans l'avoir humilié.
Sous le voile des exorcismes, je vis le prêtre l'enchaîner, le flageller, le cribler de traits. Quels cris poussait l'ange du mal! Chaque onction allumait en lui le feu d'un nouvel enfer.
Le prêtre ne lui donnait que les noms flétrissants d'esprit immonde, d'esprit digne de damnation, d'esprit damné. Il lui rappelait l'anathème qu'il encourut, le second jugement qu'il doit subir, le surcroît de douleur qui l'attend, et le força de rendre gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit.
L'eau coula enfin. Quelle vertu dans une goutte d'eau! Toutes les merveilles de la grâce y étaient contenues. Dés qu'elle eut touché le front du nouveau-né, plus de souillures, plus de
malédictions, plus de mort !... Satan avait fui, prompt comme l'éclair, l'Esprit d'amour était descendu, et du ciel une voix s'était fait entendre : « C'est là mon enfant. »
Pour cet enfant des hommes devenu l'enfant de Dieu, tout avait changé un nouveau nom le désignait, une nouvelle famille l'avait adopté, une nouvelle vie circulait en ses membres. Au péché avait
succédé la grâce. Des mains de Satan il venait de passer dans les mains d'un ange.
Nul ne fut indifférent à son bonheur. Sous les doigts des élus, les harpes d'or avaient résonné, et dans l'enfer les démons avaient rugi. Deux âmes qui venaient de faire pour lui la profession de foi le regardaient comme leur enfant, et des bords de la patrie un saint penché vers l'exil disait : « Je serai son protecteur. »