Nature et perfection de Dieu : Les grives du petit paysan.

HISTOIRES pour l'Explication du Catéchisme à l'usage des Diocèses de France

Cinquième leçon: Nature et perfection de Dieu.


Les grives du petit paysan.

 

Un évêque avait adopté pour ses armes deux grives, avec cette devise : deux oiseaux pour un liard.
Ces armoiries étranges avaient attiré l'attention et excité la curiosité. Beaucoup de personnes désiraient en connaître l'origine, d'autant plus que l'on racontait généralement que l'évêque avait lui-même fait choix (de cette devise, et qu'elle se rapportait à quelque circonstance de sa jeunesse.
Un jour étant en tournée de confirmation, il raconta cette histoire :

 

« Il y a cinquante ans, un petit garçon demeurait dans un village près de Dellengen, sur les bords du Danube. Ses parents étaient très pauvres, et aussitôt que cet enfant put marcher, on l'envoya dans les bois ramasser quelques branches sèches pour le chauffage de la maison.


« Quand il devint plus grand, son père lui apprit à cueillir et à nettoyer les baies ou fruits de genévrier, pour les porter et les vendre à un distillateur du voisinage, qui en faisait de la liqueur.

 

« Tous les jours, le pauvre enfant allait à la besogne. Dans son chemin, il passait tout près des fenêtres de l'école de son village, très souvent ouvertes, et y voyait le maître instruisant un certain nombre d'enfants de son âge. Il considérait ces enfants avec des yeux d'envie, tant il désirait ardemment se trouver au milieu d'eux.

 

« Il sentait bien qu'il était inutile de demander à son père de l'envoyer à l'école, car il savait que ses parents n'avaient pas d'argent pour payer le maître. Souvent il passait la journée tout entière à réfléchir, tout en cueillant les baies du genévrier, sur ce qu'il serait possible de faire pour être agréable au maître d'école, dans l'espérance d'en obtenir quelques leçons.

 

« Un jour, tandis qu'il allait tout pensif à ses occupations, il aperçut deux des écoliers essayant de fabriquer un piège. Il leur demanda ce qu'ils voulaient en faire. L'un d'eux lui répondit que le maître d'école était très friand de grives, et qu'ils s'appliquaient à faire ce piège pour en attraper.

 

« Le petit garçon fut enchanté de cette réponse, car il se rappela qu'il avait vu souvent un grand nombre de ces oiseaux sur les genévriers, où ils arrivaient en foule pour en manger les fruits. Il ne douta pas qu'il serait facile d'en attraper quelques-uns.

 

« Le lendemain le petit garçon emprunta un vieux panier à sa mère, et, quand il fut arrivé au bois, il réussit, à sa grande joie, à attraper deux grives. Il les mit dans le panier, et, après avoir attaché un vieux mouchoir dessus, il les porta chez le maître d'école.

 

« Tout près d'arriver à la porte, il aperçut les deux écoliers qu'il avait vus préparer un piège, et leur demanda avec quelque inquiétude s'ils avaient réussi à prendre quelques oiseaux. Ils lui répondirent que non. Le petit garçon, le cœur battant de joie, demanda à parler au maître d'école. Il lui raconta en quelques mots qu'il avait vu les deux écoliers préparer un piège, et qu'il avait, lui, réussi à prendre deux grives, et qu'il les apportait au maître à titre de présent.

 

« — Un présent, mon garçon! s'écria le maître, mais tu ne parais pas en état de me faire des cadeaux. Dis-moi le prix que tu veux en avoir, je te le paierai tout de suite.

« — J'aime mieux vous les donner, si vous voulez les accepter, dit le garçon.

 

« Le maître d'école le considérait debout devant lui, la tête découverte et les pieds nus, ayant pour tout vêtement une mauvaise chemise et un pantalon déchiré qui lui couvrait à peine la moitié des jambes.

 

« — Tu es un garçon bien singulier, lui dit-il, mais si tu ne veux pas accepter d'argent, il faut que tu me dises ce que je puis faire pour toi.

« — Oh! oui, dit le petit garçon tout tremblant et plein de joie à cette réponse, vous pouvez faire pour moi ce que je préfère à toute autre chose du monde.

« — Eh bien! qu'est-ce que c'est? demanda le maître.

« — Apprenez-moi à lire! s'écria le petit garçon en tombant à genoux. Oh, mon cher Monsieur! mon bon Monsieur, apprenez-moi à lire!
« — Je le veux bien, dit le maître.

 

« A partir de ce moment, le petit arçon vint chez le maître tous les jours après avoir fait le travail que lui commandait son père. Il y mit tant de courage, qu’il apprit à lire rapidement.
« Le maître d'école, émerveillé, le présenta et le recommanda à un homme riche et généreux qui demeurait dans le voisinage. Ce personnage, aussi noble de cœur que de naissance, prit en amitié le pauvre petit garçon et le plaça dans les grandes écoles de Ratisbonne.

 

« Le petit garçon continua à travailler avec le même courage; il profita si bien des leçons de ses maîtres, qu'il se distingua dans ses classes et devint lui-même un professeur assez célèbre.
« Il s'éleva dans les dignités, il acquit des honneurs et des richesses. Son protecteur était mort, mais il voulut consacrer l'origine de sa fortune, et il adopta pour ses armoiries les deux grives qui en avaient formé le premier échelon... »

 

L'évêque s'arrêta à cet endroit, puis, souriant : « Ce pauvre petit garçon, ajouta-t-il, c'était moi-même. »

 

Moralité de cette histoire : Répondez de bonne heure aux inspirations de la Providence, et la Providence sera avec vous toute votre vie.

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